L'épopée de marins badennois dans les 50èmes hurlants du 11 avril au 31 décembre 2015
Au retour du Pacifique ouest, au départ de Nouvelle-Calédonie, d’Australie ou de Nouvelle-Zélande, les grands voiliers rentraient en Europe par le sud de la Nouvelle-Zélande.
Ils rejoignaient le Cap Horn, profitant des vents d’ouest dominants et portants sous des latitudes allant des 40° à 57° sud.
Les vents y soufflaient si bruyamment qu’on les appelait 40èmes rugissants ou 50èmes hurlants.
Les îles Auckland, au nombre de 7, volcaniques, montagneuses, sont entourées de hautes falaises dominant leurs côtes ; elles furent le théâtre de nombreux naufrages ; beaucoup de marins moururent par noyade ou par faim.
Après ces drames, le gouvernement néo-zélandais créa des dépôts de survie. Des navires y allaient régulièrement pour les réapprovisionner et sauver les naufragés.
L'Anjou était un trois-mâts barque en acier construit en 1899 aux chantiers Dubigeon de Chantenay pour le compte de la Société de Navigation Raoul Guillon et Cie. de Nantes.
L'Anjou traversa trois fois le Pacifique entre l'Australie et la Californie avant de regagner l'Europe où il fut désarmé à Hull le 24 février 1904. Le voyage avait duré 22 mois !
Réarmé, le navire embarqua du charbon à Swansea et appareilla pour San Francisco qu'il atteignit le 20 septembre 1904 après avoir doublé le Cap Horn. De là, il se rendit à Sydney où il arriva le 2 janvier 1905. Il y chargea du blé pour l’Angleterre et appareilla vers son funeste destin.
L'équipage était composé de 26 hommes (seulement 22 ont vécu la fin du voyage) était constitué en majorité de marins morbihannais.
Douze d'entre eux étaient de Baden. Pour expliquer une telle proportion, on peut penser que le capitaine Le Tallec, échaudé par la mutinerie qu'il avait dû réprimer lors de son précédent voyage, décida de s'entourer de gens qu'il connaissait bien.
Alors que le capitaine pensait passer au nord des îles Auckland, à cause d’une erreur de navigation due au brouillard qui empêchait de faire le point à midi, des courants et d’un compas ayant 22° de variation, il dirigea le navire en plein sur la côte sous le cap Bristow où l'Anjou s'échoua le 5 février.
Par la nuit impénétrable dans l’épouvantable tempête, le capitaine Le Tallec ordonna à ses hommes de rester à bord malgré leur volonté de fuir en canots.
Réfugié à l’arrière, sur la dunette, l’équipage attendit le jour, balayé par les lames glacées qui secouaient un navire en partie défoncé, prêt à sombrer.
Au matin, ils abandonnèrent le navire qui disparut dans les vagues. Les hommes embarquèrent dans les canots. J'ai partagé les provisions et distribué le monde dans les embarcations, précise le capitaine.
En face d’eux, une falaise à pic de 500 mètres de haut, absolument inabordable dans cette mer démontée.
Enfin ! Tout le monde fut sauvé, les 22 hommes mouillés, affamés, épuisés… et le chat !
Autour d’un feu, une partie de l’équipage se rassembla et put absorber une soupe.
Nous nous couchons sur l’herbe, en cercle, les pieds à dix centimètres du brasier, nous couvrant de notre mieux avec les couvertures que nous avons sauvées. Il fait un temps épouvantable.
La pluie tombe avec violence. C’est la tempête dans toute son horreur.( ) Comme il fait froid ! Cette terre humide glaçait nos membres, et la brume, qui tombe en pluie fine, traverse nos effets", écrit le matelot X.
Et, pendant la nuit, ils durent se défendre contre les attaques de veaux marins
Les premiers jours, nourris d’albatros, cormorans, veaux marins, moules…cuits dans un bidon grâce à quelques allumettes, ils souffrirent d’une mauvaise dysenterie.
Les jours suivants, dit le capitaine, partis en expédition, nous découvrons un nouveau dépôt de vivres. Ce fut un grand bonheur d’y trouver des provisions : conserves, biscuits, thé, allumettes, couvertures... et des effets.
Des cartes indiquaient les différents dépôts et le prochain passage du bateau sauveteur : l’Hinemoa.
En explorant l’île, ils découvrirent une ferme abandonnée par des éleveurs de moutons ; les ovins sauvages étaient disséminés dans l’île.
Ils en capturèrent et les parquèrent dans l’Ile Masquée en face du campement : ils apprécièrent leur chair et leur peau pour se couvrir.
Au cours de leurs chasses, ils tuèrent des cormorans. Ils étaient tendres et d’un goût exquis ; nous crûmes manger des canards sauvages, apprécie le matelot X.
Par mauvais temps, confinés à l’intérieur, ils occupaient leur temps à jouer avec les toupies qu’ils avaient façonnées dans des morceaux de bois ou aux cartes fabriquées dans des morceaux de carton.
Le 7 mai, il pleuvait ; rassemblés dans la cabane les marins, découragés, avaient perdu tout espoir d’être sauvés. Quand donc viendra-t-il, ce vapeur ?
Le cuisinier était sur la côte, préparant quelques canards pour le repas du soir, nous entendîmes des cris : le vapeur, le vapeur !
Certains marins étaient hystériques, certains criaient : Nous sommes sauvés ! pendant que d’autres se tournaient à l’écart pour cacher l’émotion qu’ils ne pouvaient contenir.
Choyés par les néo-zélandais sur l’île Auckland, les marins de l’Anjou rejoignirent la Nouvelle-Zélande. A Port Chalmers et Dunedin, ils furent accueillis par une foule enthousiaste.
La fanfare les accompagna jusqu’au vapeur Waikare qui les emmena à Sydney.
D’Australie, ils embarquèrent sur l’Australian jusqu’à Colombo (Ceylan) d’où, sur l’Ernest Simon, ils rejoignirent Marseille par la canal de Suez.
Deux jours après, nous étions au pays natal et nous embrassions avec effusion parents et amis.
Pour vous documenter sur les expressions des cap-horniers et apprendre des choses très intéressantes, n'hésitez pas à aller consulter ce site : https://escales.wordpress.com/
De très nombreuses personnes étaient présentes lors de l'inauguration de cette exposition le 11 mai, élus, membres du musée, maires des communes voisines, présidents d'associations etc.
Nelly LESQUEL, qui a fait un très gros travail à partir d'archives, de souvenirs des uns et
des autres, Patrick EVENO, président de l'A.A.M.B et Michel BAINVEL, maire de Baden.
Le groupe"Les Boulinards"d'Arradon nous a fait le plaisir de venir interpréter avec brio des
chants mettant à l'honneur la mer et les marins. Nous les en remercions vivement.
Une conférence organisée conjointement par le Musée des Passions et des Ailes et l'association Le Panier Badennois sur :
"Les Cap-Horniers" dans la guerre de 14/18"
s'est déroulée le 6 juin en présence de deux conférenciers passionnés et passionnants :
Brigitte et Yvonnick LE COAT
Brigitte et Yvonnick sont tous les deux scientifiques.
Les deux grands-pères d'Yvonnick, qu'il n'a pas connus, étaient Cap-Horniers.
L’un d'eux est mort tragiquement en 1919, à Nantes, alors même qu’il avait échappé aux sous-marins allemands pendant la guerre et qu’à 37 ans il avait déjà franchi 36 fois le Cap Horn.
Qui étaient ces hommes ? Qui donc étaient les Cap-Horniers ? Quelles aventures extraordinaires ont-ils vécu pendant la Grande Guerre ? Pour le savoir, Brigitte et Yvonnick ont entrepris de collecter la mémoire de ces marins. Après que les derniers aient disparu, c’est auprès de leurs descendants que se poursuit leur recherche.
Ces témoignages sont consignés dans des livres et des revues, racontés dans des conférences et présentés dans des expositions. Ils sont les auteurs des livres :
"Cap-Horniers français - Mémoires de marins des voiliers de l'armement Bordes" et
"Cap Horn, une vie, un mythe".